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LE PARISIEN: DELIT USAGE DE DROGUE AU VOLANT

Publié le 20 février 2023 par Me JOSSEAUME

Conduite sous cocaine

Un retrait de permis automatique en cas de conduite sous drogue, est-ce possible ?

Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’est exprimé en faveur d’une sanction de douze points sur le permis pour la conduite sous l’emprise de stupéfiant. Il veut aussi appliquer la tolérance zéro pour l’alcool au volant. « Une réflexion » qui pose un certain nombre de questions.

Par Bertrand Métayer 

Le 19 février 2023 à 18h39

Une mesure choc, en réaction à l’accident provoqué par l’humoriste Pierre Palmade. Gérald Darmanin a proposé ce week-end dans une interview au JDD de sanctionner de douze points la conduite sous l’emprise de stupéfiants. Dans la journée de dimanche, le ministre de l’Intérieur a également indiqué souhaité étendre la tolérance zéro aux conducteurs alcoolisés, également qualifiés de « dangers en puissance ».

Dans l’entourage du ministre, on évoque « une réflexion » autour d’un « seuil à définir », par exemple supérieur à 0,8 g/litre de sang, l’équivalent de trois verres, mais « tout cela doit encore être discuté », temporise-t-on.

Que risquent actuellement les conducteurs ?

La conduite sous l’emprise de stupéfiants entraîne le retrait de six points. Le permis peut aussi être suspendu jusqu’à trois ans, voire annulé avec interdiction d’en demander un nouveau pendant trois ans. Le préfet peut également immédiatement retirer son permis à l’auteur du délit. L’usage de stupéfiants au volant est considéré comme un délit puni de 4 500 euros d’amende et deux ans de prison. En cas d’accident, la justice peut prononcer des peines allant jusqu’à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende s’il y a des blessés ; dix ans et 150 000 euros s’il y a des morts.

Selon le ministère, 605 personnes ont été tuées en 2021 sur les routes à cause de l’usage de stupéfiants. Dans les accidents mortels, 12 % des conducteurs sont positifs aux stupéfiants. C’est 30 % pour les deux-roues motorisés. Dans 91 % des cas, ce sont des hommes, avec une surreprésentation des jeunes.

Pourquoi changer ?

« L’usage des stupéfiants est sur la troisième marche du podium de la mortalité sur les routes, après la vitesse et l’alcool. Donc passer de six à douze points peut être une bonne chose, assure Anne Lavaud, déléguée générale de l’association Prévention routière. Mais il faudrait augmenter le nombre de contrôles pour que ce ne soit pas des paroles en l’air. Une telle mesure doit également être assortie d’un programme de prévention pour que les personnes incriminées réfléchissent aux raisons pour lesquelles elles sont sanctionnées. »

Pour Rémy Josseaume, avocat spécialiste en droit routier « un éventuel chamboulement législatif » sur cette question n’a, au contraire, pas lieu d’être. « Pourquoi bureaucratiser la conduite sous l’emprise de stupéfiants alors qu’un juge a déjà la responsabilité d’individualiser la sanction ? Il peut déjà annuler un permis. S’il ne le fait pas, c’est qu’il estime que cette sanction serait disproportionnée. Retirer douze points, cela revient à dire qu’il y a une peine automatique. Je ne suis pas certain que cette mesure serait conforme aux droits nationaux ou validée par la Cour européenne des droits de l’Homme. »

Les tests actuellement effectués permettent de repérer le cannabis, les opiacés, la cocaïne et les amphétamines mais pas les drogues de synthèse. Sachant que les traces de consommation s’estompent différemment selon les produits. « C’est très surprenant d’encourir les mêmes peines pour du cannabis ou une drogue dure », remarque Rémy Josseaume.

Plus de contrôles ?

Gérald Darmanin indique que 800 000 contrôles ont été effectués l’an dernier. Il espère en réaliser un million cette année. « Ce n’est rien comparé au nombre d’usagers de la route », (..) Le problème est qu’on a remplacé les forces de l’ordre par des radars, qui, eux, ne détectent ni l’alcool ni les stupéfiants. »

Le contrôle des drogues au volant est particulier en raison de leur usage plus généralisé à des moments très spécifiques comme la nuit et les week-ends. Ils sont généralement effectués seulement après une alcoolémie positive. « Il y a déjà beaucoup de contrôles ciblés, mais c’est très chronophage et il nécessite beaucoup d’effectifs pour des raisons de sécurité, note Christophe Crépin, responsable de la communication du syndicat Pro Police. Si on veut mener davantage de missions de ce type, cela nécessite des moyens supplémentaires.»

Combien de conducteurs sans permis ?

En 2021, 107 000 conducteurs ont été contrôlés positifs aux stupéfiants et 138 634 infractions pour conduite avec alcoolémie ont été constatées. « Leur faire tous perdre directement douze points provoquerait une explosion des cas de conduite sans permis », (..)

Si le phénomène donne lieu à plus de 130 000 délits par an, la dernière estimation en 2019 chiffrait à 770 000 le nombre de personnes circulant sans permis de conduire valide. Or, ce fléau peut s’avérer dramatique en cas d’accident, les fautifs se retrouvant à devoir payer parfois toute leur vie les conséquences de leurs inconséquences.

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