Rémy Josseaume était interviewé par la Journal SUD OUEST sur la délinquance routière.
Il plaide pour que les auteurs d’accident mortel soient jugés aux assises
L’ultra-médiatisation de l’affaire Palmade peut-elle lui faire craindre un procès un peu plus à charge que d’ordinaire ?
Certainement pas de la part des juges, qui savent résister à ce genre d’influences. Nous l’avons encore vérifié lors du récent procès ALLENO.
Le cas Palmade, d’ailleurs, est tristement ordinaire, puisqu’il s’en juge chaque jour devant nos tribunaux…
Oui et non. Bien sûr, les dossiers routiers où la drogue se mêle aux blessures involontaires sont de plus en plus fréquents devant ces juridictions correctionnelles qui peuvent prononcer jusqu’à dix années d’emprisonnement, mais le cas de Pierre Palmade est un peu plus à la marge puisqu’il encourt cette fois la peine extrêmement lourde de quatorze ans. Outre les circonstances aggravantes dont il fait l’objet, il voit en effet sa condamnation potentiellement majorée par le fait qu’il était en récidive d’une infraction aux stupéfiants au moment de l’accident.
Pourquoi estimez-vous, à rebours de l’opinion, que les délinquants de droit routier sont « moins bien traités » par la justice que ceux de droit commun ?
Parce que le délinquant routier a face à lui un arsenal législatif et répressif qui déroge à l’ensemble du cadre juridique habituel. Par exemple des peines automatiques, des peines planchers ou bien cette exécution provisoire qui l’oblige à purger sa peine malgré un appel. Sans oublier que, pour un seul et même fait, des automobilistes peuvent cumuler trois ou quatre sanctions sans que cela ne dérange personne. Le déséquilibre est évident.
« L’affaire Palmade aura au moins provoqué une prise de conscience »
Pourtant, les victimes estiment souvent que les peines prononcées à l’encontre des chauffards sont trop légères…
Oui, parce qu’il est paradoxal de voir que les faits les plus graves bénéficient en revanche d’une forme de relâchement judiciaire. Le projet de loi permettant la création d’un homicide routier est en ce sens un premier pas qui aura pour vertu de soulager les victimes, mais il n’apportera rien d’autre. Pour les clients que j’assiste tous les jours, le fait qu’ils aient commis un homicide routier plutôt qu’un homicide involontaire ne changera en effet rien à la peine encourue.
Il faudrait donc frapper encore plus fort ?
L’affaire Palmade comme la mort du jeune Antoine Alléno auront au moins provoqué une prise de conscience médiatique face à ces faits qui se multiplient, notamment sous l’effet de la consommation de stupéfiants. Or, depuis dix ans, les chiffres de la sécurité routière stagnent dramatiquement quand bien même la répression s’est renforcée. Si l’on veut enfin renverser la table, il faut envisager de criminaliser le procès de ce genre de chauffards.
Un type qui en tue un autre après lui avoir donné un coup de batte de base-ball n’avait pas non plus l’intention de tuer, et pourtant il risquera les assises. Sans qu’il soit question de condamner des conducteurs à trente ans de prison – plutôt à de courtes peines effectives –, je pense que la perspective de finir devant une cour criminelle serait un message très dissuasif auprès de cette masse de gens qui, globalement, n’ont rien des délinquants professionnels indifférents au sort que leur réserve la justice.
Si vous étiez l’avocat de Pierre Palmade, comment envisageriez-vous sa défense ?
Je plaiderais évidemment l’aspect non intentionnel de cet accident dramatique, et bien sûr l’aspect pathologique de son cas.