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PARISIEN: LES PV EXPLOSENT

Publié le 24 septembre 2024 par Me Rémy JOSSEAUME Avocat droit routier

Les PV dans Paris

Paris : voici les infractions routières les plus sanctionnées par les caméras de vidéosurveillance

EXCLUSIF. Le Parisien s’est procuré un document recensant le nombre de contraventions dressées par la préfecture de police, par arrondissement et par motif, ces cinq dernières années via les caméras de vidéoverbalisation de la capitale. Décryptage.

Par Elie Julien,  Victor Alexandre et Fabien Casaleggio 

Le 23 septembre 2024

Ce sont près de 4 000 caméras qui scrutent toute la capitale. Si certaines ne sont là que pour sécuriser des bâtiments sensibles, des parcs et jardins, une grande partie visionne surtout les rues de Paris. Leurs images sont scrutées par la vingtaine d’agents du groupe de lutte contre les auteurs d’infractions vidéo verbalisables (Glaiv) de la préfecture de police, qui sanctionnent les conducteurs, ainsi que par des agents de la police municipale.

Elles ont permis aux équipes des services de l’État de dresser, en 2023, plus de 191 000 contraventions. Un chiffre en hausse constante ces cinq dernières années. On en comptabilisait 115 000 en 2019, par exemple. Et c’est sans compter les 375 000 émises de son côté par la police municipale, elles aussi en forte hausse (250 000 contraventions en 2021).

« Ces données illustrent un changement de paradigme. On passe d’une répression humaine à une répression par la vidéo qui fait plus de chiffres. Les caméras de vidéosurveillance ont été déployées pour faire de la vidéoverbalisation », observe Me Rémy Josseaume, spécialiste des contestations d’amendes liées au Code de la route.

Ces chiffres, concernant les amendes dressées par la préfecture de police uniquement toutefois, Le Parisien a pu se les procurer. Ils ont d’abord été obtenus par l’association des usagers de DansMaRue (AUDMR) après une saisine de la Commission d’accès aux documents administratifs. Ils détaillent le nombre et la nature de contraventions par arrondissement depuis 2018. Et permettent de se rendre compte des infractions routières les plus fréquentes, ainsi que celles qui sont particulièrement dans le viseur de la préfecture de police de Paris.

Les voies de bus sous très haute surveillance

Au premier rang, on retrouve chaque année l’amende pour « circulation d’un véhicule non autorisé sur une voie réservée aux véhicules de transport public de voyageurs ». Autrement dit, le fait de conduire sur les voies de bus. Jamais moins de 60 000 amendes dressées pour ce motif chaque année, avec même un pic à 123 000 en 2021. C’est plus que le nombre total de vidéoverbalisations, tout motif confondu, en 2018 (120 111), en 2019 (115 837) et 2020, année Covid (120 417). C’est dans le XIVe arrondissement que l’on se fait le plus verbaliser pour ce motif (28 400 fois en 2023). Le conducteur écope alors de 135 euros d’amende.

« Elle est facilement constatable par les caméras, analyse Rémy Josseaume. J’imagine qu’il y a beaucoup de deux-roues dans ces PV, car ils remontent par ces voies. C’est un peu toléré par les policiers sur le terrain, mais pas par la vidéoverbalisation. »

Autre mauvais comportement dans l’œil des agents de vidéoverbalisation de la préfecture de police : le non-respect des sas vélo. Ces espaces placés en amont des feux tricolores, réservés aux deux-roues non motorisés, pour leur permettre de s’engager sans risque dans le carrefour une fois le vert venu. De plus en plus courants, ils sont encore très ignorés par les conducteurs de voiture, scooter, moto… Près de 25 000 PV ont été dressés l’an dernier pour ce motif, jamais moins de 10 000 par an ces cinq dernières années.

Puis viennent les arrêts interdits ou gênants, devant les circulations en sens interdit (près de 6 000 verbalisations en 2023, dont deux tiers dans les Xe et XXe).

Certaines infractions sont-elles moins ciblées ?

De ces chiffres, l’AUDMR remarque que toutes les infractions au Code de la route ne sont pas autant verbalisées. Si l’association « salue une hausse considérable des verbalisations », son président, François Louis, se dit « surpris » et « déplore que les amendes pour arrêt ou circulation sur les pistes cyclables aient régressé (3 500 en 2019, contre à peine 700 en 2023) ». « Surtout s’il faut les rapporter au nombre de kilomètres de pistes cyclables qui a bondi à Paris depuis quatre ans », s’interroge-t-il.

Autre interrogation, à ses yeux, le « peu » de verbalisation pour le non-respect de ces sas vélo (24 000 amendes, avec possiblement 135 euros et 4 points de retrait), pourtant deuxième cause d’amende comme dit précédemment. Sauf qu’« on voit plus de gens sur les sas vélo que dans les voies de bus », s’étonne le président de l’AUDMR, observateur averti de la voie publique.

Pour l’AUDMR, il y a un « biais de sélection en fonction des caméras les plus utilisées ». « Il n’y a qu’à voir les sens interdits, tous verbalisés aux mêmes endroits sûrement », regrette François Louis. En 2023, 39 stationnements sur une piste cyclable ont été verbalisés par les caméras sur toute la capitale. Cela semble faible. De quoi penser que certaines infractions sont plus chassées que les autres ? « Certaines peuvent être davantage relevées par les équipes, que l’on voit souvent sur le terrain, de la police municipale », veut-il croire.

38 000 verbalisations dans le Xe… et moins de 1 000 dans le XIIIe

La lecture de ces chiffres démontre aussi que les conducteurs circulant dans certains arrondissements sont, sur ces dernières années, beaucoup plus à l’abri de la vidéoverbalisation. C’est le cas dans les XIXe et XIIIe, pourtant vastes, où l’on compte moins de 1 000 vidéoverbalisations faites par la préfecture de police par an, quand 20 000 sont effectuées dans certains arrondissements (Xe, XIIe, XIVe) chaque année.

Des « petits » arrondissements du cœur de la capitale les devancent même. Comment l’expliquer ? « Je ne peux y voir qu’une bonne tenue des automobilistes qui traversent le XIXe, sourit le maire (PS) François Dagnaud, étonné. Plus sérieusement, je ne souhaite pas qu’on transige avec la sécurité routière ! »

Pour Nicolas Nordmann, adjoint à la maire de Paris en charge de la sécurité, cela peut, en partie seulement, s’expliquer par une densité de caméras parfois moins importantes dans certains arrondissements. « On avait moins de caméras sur les grands arrondissements périphériques », reconnaît-il. Il rappelle que la Ville a voté, fin 2022, pour le déploiement de 320 nouvelles caméras sur 64 sites (dont 5 dans le XIIIe et 5 dans le XIXe) d’ici à 2026. Pour un budget de 4 millions d’euros. La Ville a aussi doublé le nombre de personnes placées derrière ses écrans, avec désormais 10 opérateurs et 21 agents vidéoverbalisateurs.

Rémy Josseaume estime plutôt que ces chiffres « démontrent que l’emplacement des caméras limite la nature des contraventions. C’est parce qu’elles sont à tel endroit qu’on va en tirer certaines infractions. » La préfecture explique, elle, que le travail est partagé avec la police municipale (dont nous ne connaissons pas les motifs des vidéoverbalisations) mais aussi que son Glaiv « mène des actions spécifiques sur des zones accidentogènes ou problématiques, ce qui explique la disparité des chiffres entre les arrondissements ».

Et la préfecture de conclure que « les effets de l’action contraventionnelle par vidéoverbalisation ne sont pas immédiats. Mais, d’une manière générale, les axes régulièrement surveillés donnent lieu à moins d’incivilités routières. » De quoi freiner l’accidentologie à Paris ? Le nombre de blessés dans la capitale est en tout cas en légère baisse depuis trois ans, tout comme celui des décès (33 l’an dernier contre 38 en 2022).

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