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Homicide routier
TRIBUNE publiée dans le JDD ce 5 mars 2023
L’homicide routier, mais pour quels « criminels » de la route ?
Le délinquant de la route est au carrefour d’un système paradoxal.
Il est soumis à une répression acharnée et systématique mais ne répond pas de ses fautes volontaires devant une cour d’assises bien qu’il soit pourtant communément désigné « d’assassin de la route ».
Par Rémy Josseaume*
Ne vous fourvoyez surtout pas, la délinquance de la route ne bénéficie d’aucun laxisme judiciaire.
Bien au contraire, le glaive de la justice, bien affûté, ne tremble pas, et les pouvoirs publics se montrent d’une exceptionnelle efficience.
Pour preuve, près de 30 millions d’infractions au code de la route sont relevées chaque année, et pas moins de 13 millions de points sont retirés des permis de conduire.
Le délinquant de la route connait les réalités d’une politique effective de « tolérance zéro ».
Les sanctions tombent, inéluctablement, automatiquement, au point que nombre de délinquants de la route ont le sentiment qu’un délinquant de droit commun est plus favorisé.
Pour cause, le conducteur pris en faute se voit infliger un corpus de mesures dérogatoires aux règles du droit commun érigeant ainsi le droit routier en un droit d’exception (mesures punitives administratives, suspension du permis, peine -plancher d’amende, peines obligatoires ou automatiques, perte de points, confiscation de véhicule, .. ), et souvent sans débat préalable et contradictoire.
La faute unique d’un délinquant routier peut ainsi être sanctionnée de cinq ou six peines cumulées.
Quel autre justiciable est ainsi traité de la sorte ?
Ces mesures dérogatoires à nos droits et libertés publiques entrainent la comparution du délinquant de la route devant son juge avec, le plus souvent, les marques de la culpabilité pénale.
Même primo-délinquant, l’auteur de blessures ou d’homicides involontaires n’échappe pas plus à des mesures de détention provisoire ou aux prononcés de peines d’emprisonnement fermes.
Le risque de réitération de l’infraction motive le plus souvent de telles décisions.
L’actualité tragique nous le rappelle et relance, une fois encore, le débat de la criminalisation de certains comportements routiers.
Les pouvoirs publics y répondent opportunément par l’instauration d’une infraction autonome nouvellement qualifiée d’homicide routier.
Limitée à cette seule évolution lexicale, sans autre modification des peines encourues, l’expurgation du terme « involontaire », accolé à la prévention d’homicide, pourvoira aux attentes légitimes des victimes de la route.
Mais l’essentiel est-il là ?
Le délinquant, qualifié trivialement de criminel de la route, sans en avoir la qualification juridique, ne sera pas plus détourné de ses insouciances au volant.
On envisagerait également en haut lieu le retrait de 12 points sur le permis de conduire pour des conduites sous addictions.
C’est oublier que le juge répressif dispose déjà du pouvoir d’annuler le permis de conduire du condamné.
Certes depuis dix ans, les chiffres de la sécurité routière ne s’améliorent plus.
Nous payons la facture d’une politique de sécurité routière déshumanisant le contrôle routier au profit d’une action publique polarisée sur le tout radar.
La pierre angulaire d’un nouvel élan de sécurité routière ne serait-elle pas la criminalisation de certaines infractions routières ?
L’auteur de blessures ou d’homicides avec plusieurs circonstances aggravantes et concomitantes commis à la suite de prise de décisions intentionnelles (volonté de boire, volonté de prendre des drogues puis décider de conduire) ne doit-il pas répondre de ses actes devant les juridictions répressives criminelles ?
Si les conséquences de tels actes ne sont pas intentionnelles, elles procèdent, pourtant, d’une intentionnalité coupable.
*Avocat à la Cour, docteur en droit.
Président Commission Droit routier du Barreau de Paris
Les dernières interventions dans la presse de Maître Rémy JOSSEAUME :
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